Écrans et enfants : faut-il tirer la sonnette d’alarme ?

Les enfants d’aujourd’hui grandissent entourés d’écrans. Tablettes, téléphones, télé, consoles… leur usage s’est banalisé, parfois dès la maternelle. Mais à quel prix ? En Seine-et-Marne comme ailleurs, de nombreux parents, enseignants et professionnels de santé s’interrogent : les écrans sont-ils devenus trop envahissants ? Et surtout, comment poser un cadre sans culpabiliser ni paniquer ?

Ecrans et enfants : des recommandations claires… encore peu suivies

En avril 2024, un groupe d’experts mandaté par l’Élysée a rendu un rapport sans équivoque : pas d’écrans avant 3 ans, pas de téléphone avant 11 ans, et pas de réseaux sociaux avant 15 ans. Pourtant, un an plus tard, seules deux recommandations ont été annoncées : la généralisation des pauses de portable au collège, et un droit à la déconnexion des outils numériques scolaires. Les mesures plus strictes attendent encore leur mise en œuvre.

Entre-temps, les écrans continuent de s’imposer à la maison comme à l’école. Et les startups de l’Edtech, parfois financées par des fonds d’investissement ou liées aux géants du numérique, développent de plus en plus d’outils numériques à destination des enfants, avec la bénédiction de certains chercheurs.

Des bénéfices… à manier avec prudence

Peut-on vraiment apprendre à lire grâce à un jeu vidéo ? Ou mieux se concentrer grâce à une appli ? C’est le discours tenu par certains chercheurs en sciences cognitives, qui soulignent que les écrans ne sont pas mauvais “par nature”, et qu’ils peuvent même stimuler l’apprentissage… s’ils sont bien utilisés.

Mais dans les faits, les preuves scientifiques manquent, et certaines expériences menées en laboratoire n’ont jamais pu être reproduites. De plus, plusieurs laboratoires publics collaborent aujourd’hui avec des entreprises privées ou des startups, brouillant les frontières entre recherche et stratégie commerciale.

Un écosystème qui questionne

L’exemple de l’application Kaligo est parlant : présentée comme un outil pour apprendre à écrire dès la maternelle, elle a été développée dans un laboratoire de recherche avec des fonds publics… mais aussi avec le soutien de Microsoft. Résultat : des enfants de 3 à 7 ans ont été testés dans des “classes immersives” en présence d’ingénieurs. Objectif : comprendre comment capter leur attention, pour affiner des produits destinés à l’école.

Ces expérimentations, aussi ambitieuses soient-elles, posent plusieurs questions :

  • Les enfants sont-ils devenus des cobayes numériques ?
  • Les outils développés servent-ils vraiment l’apprentissage… ou le marché de l’éducation ?
  • Où est la place du libre arbitre parental dans ce processus ?

Écrans et enfants, attention fragile

Face à l’inquiétude croissante des parents et des professionnels, certaines sociétés savantes (pédiatres, pédopsychiatres…) recommandent de limiter fortement l’exposition aux écrans avant 6 ans. Pourtant, dans les médias, des chercheurs affirment qu’aucune preuve ne démontre un effet causal des écrans sur le développement de l’enfant. Un discours qui rassure… mais qui divise.

Car les professionnels de terrain, eux, alertent : retards de langage, troubles du sommeil, difficultés de concentration ou encore isolement social sont des effets régulièrement observés chez les enfants surexposés.

Et en Seine-et-Marne, que peut-on faire ?

Même sans réglementation nationale stricte, des leviers d’action existent :

  • Informer les familles sans culpabiliser : les écrans ne sont pas des ennemis, mais ils doivent être encadrés.
  • Accompagner les usages numériques à l’école avec des outils pédagogiques clairs.
  • Favoriser les activités alternatives : sport, lecture, jeux créatifs, nature… autant d’alliés pour réduire le temps d’écran.

Enfin, il est important de former les adultes, enseignants comme parents, à ces enjeux. Car aujourd’hui, la vraie fracture numérique ne se joue plus seulement sur l’accès… mais sur la maîtrise et le sens.

Publié le 16 juin 2025